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2023 SPRING

Un quotidien toujours à découvrir

Le voyage exerce depuis toujours un attrait sur l’homme, que ce soit par la découverte de nouveaux horizons, par le repos et la détente qu’il procure, par les délicieuses cuisines auxquelles il permet de goûter ou par la possibilité de faire d’avantageuses affaires : autant d’agréments que les aspects insolites du quotidien font apprécier davantage en leur conférant une dimension nouvelle.


© BUYEO-GUN


Dans l’esprit de bien des Coréens, la ville de Buyeo est associée aux tragédies de l’histoire et, bien qu’elle ait connu l’essor d’une brillante culture, ils voient surtout en elle la dernière capitale du royaume de Baekje. Elle n’a cependant rien perdu de ses attraits et les trésors que recèle la cité de jadis s’avèrent d’un accès plus aisé qu’il n’y paraît au premier abord pour ceux qui prennent le temps d’observer les décors et scènes du quotidien.


Une porte ouverte sur le monde

Aujourd’hui classé trésor national numéro 287 au patrimoine artistique coréen, un brûleur d’encens en bronze doré d’environ 12 kilogrammes datant du royaume de Baekje a été découvert en 1993 dans une tombe ancienne et se trouve actuellement au musée national de Buyeo.


Troisième fleuve de Corée, le Geum s’étend sur pas moins de quatre cents kilomètres. Il porte à Buyeo le nom de Baengma par lequel ses habitants désignent la partie de son cours longue de seize kilomètres située non loin de la forteresse du mont Buso. Petits et grands bateaux le sillonnaient jadis, remontant parfois jusqu’à soixante-dix kilomètres en amont pour déboucher sur la mer Jaune. Situé entre le fleuve et la forteresse, le débarcadère de Gudeurae offrit longtemps un point d’accès à ce trafic fluvial qui, depuis l’aménagement d’un barrage d’estuaire, se limite désormais au transport de voyageurs par ferry.

Le royaume de Baekje entretenait avec ceux, voisins, de Goguryeo et Silla des relations alternant entre rivalité et alliance, alors que le trafic maritime autorisait des échanges réguliers avec la Chine et le Japon. Ils favorisèrent l’essor d’une économie prospère et d’une culture raffinée qui allaient assurer la pérennité des règnes successifs pendant près de sept siècles, soit de 18 av. J.-C. à l’an 660 de notre ère. Ce commerce florissant fit se répandre l’usage du mot japonais « kudara » signifiant « patrie » ou « grande nation » pour désigner ce royaume, puis le débarcadère qui en constituait la porte d’entrée, le nom de Gudeurae étant toutefois peu usité de nos jours.

Un rocher légendaire

Le pavillon de Baekhwa s’élève sur une falaise qui domine les berges du Geum et du haut de laquelle une légende veut que trois mille dames de la cour se soient précipitées dans le vide lorsque des royaumes rivaux eurent raison de celui de Baekje, au VIIe siècle.


Au terme d’un trajet en ferry de trente minutes sur le Baengma, le voyageur débarque sur le quai du temple de Goran, où commence le chemin menant à la forteresse du mont Buso.

À partir de ce sanctuaire, qui aurait été édifié à la gloire des âmes vengeresses de Baekje, ce sentier permet d’atteindre le pavillon de Baekhwa et son spectaculaire panorama du fleuve coulant en contrebas. La falaise qui se dresse jusqu’à ce pavillon porte le nom de Nakhwaam, c’est-à-dire du « rocher des fleurs qui tombent », en référence à la funeste légende qui y est attachée. Quand les armées du royaume, sous le règne d’Uija, son dernier souverain, furent défaites par les forces coalisées de celui de Silla et de la dynastie des Tang, pas moins de trois mille dames de la cour se seraient précipitées dans le vide du haut de cette falaise, comme autant de pétales de fleurs emportés par l’eau. Si le nom de Nakhwaam n’est apparu qu’un millénaire après la chute de ce royaume, le souvenir de ces tristes faits n’a cessé de hanter les lieux et de rappeler l’histoire mouvementée de la région.

Contrairement aux récits de la culture populaire, qui brossent d’Uija le portrait d’un souverain volage et inapte à gouverner, un traité du XIIe siècle, c’est-à-dire de l’époque de Goryeo, intitulé Samguksagi (Histoire des Trois Royaumes) fait l’éloge de ce monarque en ces termes : […] magnifique et intrépide, rempli de courage et de détermination. […] Il servit son père avec piété et aima profondément ses frères. Tous l’appelaient « Haedong Jeungja ». Le vocable « Haedong » dont il est fait mention ici se réfère à la péninsule coréenne et celui de « Jeungja », à un disciple de Confucius nommé Zengzi qui figurait parmi les cinq sages de l’Orient. Cet ouvrage d’histoire reconnaissait ainsi à Uija la dignité d’un authentique souverain, mais aussi une vertu et un savoir dignes d’un sage confucéen.

En tout état de cause, il semble à bien des égards avoir agi en monarque éclairé doublé d’un fin stratège qui sut s’emparer de quarante forteresses à Silla et isoler ce dernier par la voie diplomatique. Quand les États de Silla et de Tang se liguèrent, il ne put cependant repousser les envahisseurs, qui, après avoir pris Buyeo, le firent prisonnier pour l’emmener en Chine. Sous le règne de son fils nommé Pung, les forces de Baekje se reconstituèrent et, trois années durant, livrèrent de nouveau bataille à l’alliance de Silla et des Tang. Si les faits évoqués ci-dessus ne correspondent pas toujours à la vérité historique, le beau nom de Nakhwaam rappelle tragiquement la lutte que mena jusqu’au bout le valeureux peuple de Baekje pour assurer sa défense.

Un haut lieu de la culture de Baekje

Au temple de Muryang, le pavillon dit Geungnakjeon, c’est-à-dire « du paradis », donne l’impression, vu de l’extérieur, qu’il s’élève sur deux étages, mais, en y pénétrant, le visiteur découvre qu’il ne comporte qu’une unique et vaste pièce. Face à cette construction, se dressent une pagode en pierre à cinq étages et une lanterne en pierre alignées l’une sur l’autre, tels deux témoins de la civilisation raffinée qui fut celle de Baekje.


Surmontant la forteresse du mont Buso, le pavillon à deux étages de Sajaru se dresse à l’ancien emplacement de son entrepôt militaire et de sa caserne, ainsi que du sanctuaire de Samchung élevé en l’honneur des trois derniers fonctionnaires restés fidèles au royaume, à savoir Gyebaek (?-660), Seongchung (?-656) et Heungsu (dates inconnues). Les visiteurs qui s’y rendent par le chemin cité plus haut pourront se faire une idée de la prospérité passée de Baekje, quoique la forteresse elle-même soit aujourd’hui à l’abandon. En visitant le musée national de Buyeo, ils y découvriront des collections remarquables par une valeur et une envergure que ne laissent pas soupçonner les modestes dimensions du bâtiment qui l’abrite.

En ce 12 décembre 1993, voilà déjà trente ans, il était seize heures et le jour déclinait déjà tandis que prenaient fin les fouilles du tumulus de Neungsan-ri situé à Buyeo, quand les archéologues, en sondant une fosse boueuse d’environ 1,20 mètre de profondeur, allaient tomber sur un énorme brûle-encens mesurant plus de soixante centimètres de hauteur et pesant près de douze kilogrammes. Pas plus de trois années allaient s’écouler avant que ce brûle-encens en bronze doré du royaume de Baekje soit classé au patrimoine national du fait de sa valeur artistique et de son importance historique.

Sa découverte allait d’emblée susciter des interrogations quant au lieu de sa fabrication, d’aucuns supposant qu’il pouvait provenir de Chine, car sa facture présentait des analogies avec celle des brûleurs d’encens de ce pays, outre que son esthétique témoignait d’une influence taoïste marquée, alors que le bouddhisme était dominant à Baekje. Toutefois, l’existence d’une ancienne forge à proximité des tumuli de Neungsan-ri attestant qu’il y fut fabriqué, aucun doute ne subsiste désormais quant à son origine, laquelle est corroborée par la figurine qui le surmonte et joue du geomungo, une cithare autochtone, ce qui n’était évidemment pas le cas des brûle-encens chinois.

Outre cet instrument, d’autres, moins connus, sont également représentés sur son couvercle, notamment une jongjeok et un wanham, qui sont respectivement une flûte verticale et un instrument à cordes pincées rappelant une guitare, ainsi qu’un tambour en forme de pot dont l’origine se trouve en Asie du Sud-Est et un baeso, cet instrument à vent des peuples nomades du nord évoquant la flûte de pan.

La diversité de ces instruments témoigne de certaines influences extérieures, de même que l’emploi de l’encens emprunté aux civilisations arabe, occidentale et chinoise, l’ensemble se fondant avec la culture traditionnelle coréenne, sa philosophie bouddhiste et la croyance dans les immortels taoïstes. Par ailleurs, l’exécution de tels motifs sur le couvercle de l’objet révèle que Baekje, tout en comptant sur ses propres forces, fut conscient de ses limites et parvint à les surmonter par son ouverture sur le monde. De par son originalité et sa valeur artistique, le brûleur d’encens de Baekje se fit le reflet du haut degré d’évolution de la culture et de l’économie de Baekje.


À bord d’un voilier traditionnel, sorte d’autobus amphibie qui fut le premier ferry coréen, les touristes peuvent découvrir les principaux lieux historiques de la ville en sillonnant le Baengma, dont le nom signifie « cheval blanc », car il semble que les équidés possédant cette robe aient été les plus grands sous le royaume de Baekje.


Le parc à thème historique Baekje Cultural Land comporte une reproduction fidèle du palais de Sabi construit sous ce royaume. Comme au temple de Neungsa, les visiteurs découvriront sa culture et son histoire lors d’un parcours dans ses lieux de vie.
© BUYEO-GUN

L’hommage à un poète

Outre qu’ils évoquent la vie et l’œuvre de Shin Dong-yeop, la maison natale de ce poète et le musée qui lui est consacré évoquent aussi d’autres aspects de la littérature coréenne et voient se dérouler un concours à l’issue duquel est décerné le prix Shin Dong-yeop.


L’importance que revêt Buyeo sur le plan culturel dépasse largement celle que lui vaut son histoire d’ancienne capitale de Baekje, voilà plus d’un millénaire, comme le découvrira le visiteur, à sa sortie du musée national, en marchant environ huit cents mètres jusqu’à la maison natale du poète Shin Dong-yeop (1930-1969) et au musée qui le commémore.

Si l’homme n’écrivit que pendant les dix dernières années de sa vie, il n’en imprima pas moins sa marque à jamais sur la littérature coréenne. Son engagement total pour la cause de la Révolution du 19 avril 1960, qui constitua le premier mouvement pro-démocratie du pays, lui inspira une œuvre qui allait inciter les générations d’écrivains suivantes à combattre la dictature et à réfléchir aux perspectives qui s’ouvraient au pays. Envisageant l’unification de la péninsule coréenne, il dénonça aussi l’autoritarisme et l’opportunisme qui y régnaient et ne cessa de lutter pour la démocratie.

Afin d’assurer la pérennité de son héritage littéraire, le prix Shin Dong-yeop fut créé en 1982 par sa famille et la maison d’édition Changbi dans un contexte pourtant hostile en raison de la répression perpétrée par le régime dictatorial d’alors. Loin de se limiter à un genre particulier, cette distinction entend encourager les écrivains qui s’attachent à perpétuer l’esprit du défunt poète. La maison et le musée portant son nom font revivre la conviction qui fut la sienne que la littérature se doit de contribuer au progrès social et à l’amélioration de la vie humaine. Leur présence prend la dimension honorant la mémoire d’un écrivain qui sut transcender les limites d’un esthétisme purement littéraire pour proclamer son engagement en faveur de la société.



Quelques moments de détente

Afin de recréer des activités dans une région qui constituait naguère un nœud de transport fluvial, les librairies, ateliers d’artisanat, cafés et restaurants se sont multipliés le long de l’allée dite Jaon-gil qui s’étend non loin du débarcadère du ferry de Gyuam.


Une excellente façon de clore ce périple à Buyeo sera de faire quelques pas sur l’allée dite Jaon-gil, ou Jaon Road, qui se trouve non loin du quai de Gyuam où accoste le ferry du Baengma. À l’activité prospère d’autrefois, a succédé sur ces rives un déclin qu’a précipité l’urbanisation croissante et qui a vidé le quartier voisin de nombre de ses habitants, en dépit de quoi le nom de Jaon signifiant « se réchauffer tout seul » témoigne de la volonté de ceux-ci de dynamiser leur village.

De part et d’autre de cette voie, de petites librairies tenues par des passionnés d’art et de culture pour préserver la mémoire de l’œuvre de Shin Dong-yeop côtoient des ateliers d’artisanat proposant leurs articles variés, ainsi que des cafés et restaurants servant une cuisine composée d’ingrédients de la production locale. En cheminant sur l’allée de Jaon-gil, le visiteur s’imprégnera de l’atmosphère paisible et de la douceur des paysages que possède cette partie de la ville. En y entrevoyant le glorieux passé qu’elle connut sous le royaume de Baekje, ils découvriront certains aspects du quotidien sous un nouveau jour.


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Kwon Ki-bong Écrivain
Lee Min-heePhotographe

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