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2022 WINTER

D’où vient cet engouement mondial pour les dramas coréens ?

Autrefois appelés « feuilletons », « séries » ou « mini-séries », les K-dramas représentent désormais un genre coréen à part entière dont le critique de cinéma et de télévision Pierce Conran analyse le succès phénoménal, tandis que des téléspectateurs expriment les raisons qui leur font apprécier ces œuvres.

 



À toute époque, où que ce soit dans le monde et quel que soit le support employé, les films et émissions de télévision qui ont connu une réussite internationale répondent le plus souvent à un besoin d’évasion exacerbé par les contraintes et le rythme trépidant du mode de vie actuel.
Dans ce domaine, la Corée du Sud, qui figure aujourd’hui en bonne place dans l’industrie du divertissement, se distingue toutefois par la teneur de ses succès commerciaux, au septième comme au huitième art, avec des films évoquant de tragiques épisodes de son histoire et des séries télévisées dénonçant les inégalités sociales dans un contexte dystopique.
Le public occidental manifeste depuis toujours un penchant pour des œuvres dépaysantes provenant de lointains pays, notamment d’Asie, tels les films de kung-fu hongkongais des années 1970 ou les feuilletons raffinés d’Iran.
Comment la Corée se situe-t-elle dans ce secteur ? Sans aller jusqu’à étendre le constat ci-dessus à l’ensemble de ses autres industries, on peut affirmer que celle du divertissement s’y est forgé une réputation de dynamisme et d’évolutivité en une trentaine d’années. D’importantes innovations peuvent y surgir à tout moment et de manière tout à fait imprévisible, ce qui contribue d’autant plus à l’attractivité de cette industrie.
Si des styles et genres différents s’y succèdent constamment, certaines constantes sont présentes dans la plupart des récits, en particulier une volonté de se faire le reflet de la société et des aspects que présente celle-ci à un moment donné.
En 2016, le film de morts-vivants mondialement connu Train to Busan allait suivre cette démarche et élever au rang d’allégorie sociale une intrigue d’un genre jusqu’alors décrié par les cinéphiles. Un tournant allait se produire en 2019 sur Netflix, dans le cadre de la série à succès Kingdom, qui appartient au genre des films de morts-vivants et allait permettre de découvrir d’autres productions coréennes. Par la suite, le film Parasite, cette parabole sociale due à Bong Joon-hon, allait valoir à son réalisateur d’être récompensé tant à Cannes qu’à la cérémonie des Césars.
Pas plus tard que l’année dernière, la série Squid Game allait accomplir l’exploit de faire d’une histoire de sinistres joutes sportives punies de mort la série de Netflix disposant de la plus grande audience. Par l’ingéniosité de son intrigue, les sensations fortes qu’elle suscitait et un traitement édulcoré de questions provoquant la grogne sociale dans le monde entier, cette production coréenne allait acquérir une dimension universelle.
Les inconditionnels des K-dramas se refusent toutefois à cantonner leur réussite internationale à celle de quelques séries de genre telles que Kingdom ou Squid Game, dans la mesure où les premiers rencontrent beaucoup de succès en Corée depuis des dizaines d’années et où ils ont su fidéliser leur public étranger voilà tout aussi longtemps.
Dans les années 2000, les dramas coréens étaient notamment si appréciés des téléspectateurs japonais que nombre d’entre eux n’hésitaient pas à effectuer des séjours touristiques en Corée, et plus particulièrement sur l’île de Jeju, dans le seul but de se rendre sur de célèbres lieux de tournage. Sur le marché coréen des séries, la tendance dominante était alors aux comédies sentimentales, aux mélodrames et aux feuilletons d’époque : autant de productions qui allaient gagner du terrain en Asie, mais aussi sur d’autres continents par le biais des ressortissants coréens qui s’expatriaient un peu partout dans le monde.
Entretemps, le public lui-même avait évolué, les passionnés de dramas classiques, toujours plus nombreux au cours des années 2000, étant rejoints par une catégorie de téléspectateurs qu’attirait le mélange des genres pratiqué dans les nouvelles créations.
Conquis par des productions tout à la fois splendides et saisissantes par leur caractère dystopique, ces nouveaux amateurs de séries coréennes allaient le devenir toujours plus et en rechercher systématiquement d’autres sur Netflix, alors que les algorithmes de cette plateforme de streaming excluaient jusque-là d’emblée les K-dramas de sa page d’accueil.
En substance, le succès actuel des séries de genre coréennes a conduit leur public à s’intéresser également aux K-dramas traditionnels, d’un caractère plus pacifique, qui ont dès lors connu un succès international, à l’instar de Crash Landing on You, Hometown Cha-Cha-Cha et Extraordinary Attorney Woo.
Face à des productions occidentales où règnent super-héros, aventures et violence sociale atteignant « un degré élevé d’horreur », celles de Corée semblent correspondre à ce qui pourrait aujourd’hui manquer à Hollywood, c’est-à-dire la dimension du bonheur. En ces temps marqués par la maladie, la guerre et l’insécurité financière, le public aspire à une évasion par la douceur, ce que les K-dramas traditionnels leur permettent de faire à loisir.
Voilà déjà longtemps que les téléspectateurs du monde entier connaissent les productions coréennes du secteur, mais leurs adeptes de fraîche date ne perçoivent peut-être pas leur capacité à se renouveler constamment. Alors que le public coréen a réservé un accueil mitigé à des séries au contenu violent telles que Sweet Home, Squid Game ou All of Us Are Dead, l’enthousiasme des téléspectateurs étrangers incite à remettre en cause cette réaction et à proposer de nouveaux divertissements de ce type.
En outre, il convient de rappeler que l’attirance qu’éprouvent pour les K-dramas certains tenants d’une morale stricte, notamment dans des pays musulmans tels que l’Indonésie, repose sur la chasteté qu’apprécie le public chez les personnages de ces histoires d’amour d’un autre temps.
De même que le rêve hollywoodien pourrait un jour ou l’autre perdre de son attrait, l’image de la Corée que véhiculent les K-dramas hauts en couleur interprétés par des vedettes aux superbes tenues connaît un succès qui n’est pas moins éphémère. À l’heure où la limitation des déplacements imposée par la crise sanitaire a quasiment disparu, les touristes font leur retour en Corée et une nouvelle génération d’expatriés nourrie de K-contenus arrive également sur son sol. Certains d’entre eux s’exposent peut-être à des déconvenues, notamment dans l’activité de l’enseignement de l’anglais langue seconde (ESL), où le niveau de rémunération stagne depuis des dizaines d’années alors que le coût de la vie ne cesse de croître.
Dans les entreprises, il se pourrait aussi que la réalité du travail soit fort différente des élégants locaux où les personnages de K-dramas bavardent en savourant leur Americano glacé. Agréables, les dramas coréens n’en sont pas moins addictifs, car conçus pour fournir un moyen d’évasion, mais, si notre imagination se prête à ces échappées dans des décors de rêve, les réalités de la vie y mettent bien vite le holà.


Nida Karim
32 ans, ressortissante indienne en Corée

 

Depuis quand aimez-vous les K-dramas ?
Au lycée, comme je connaissais déjà les comédies sentimentales américaines, j’ai regardé du côté du Hallyu et, après avoir adoré des films comme 200 Pounds Beauty, My Sassy Girl ou My Little Bride, j’ai eu envie de passer aux K-dramas. J’ai beaucoup aimé le fait que les rom-coms aient entre seize entre vingt épisodes, alors que les films se limitent à deux heures, alors, j’ai continué à en regarder.


Quel genre de dramas préférez-vous ?
J’aime surtout les comédies sentimentales parce que leurs histoires d’amour sont en général simples et expriment des émotions sincères. Elles ne sont sans doute pas réalistes, mais c’est peut-être ainsi que nous aimons voir les choses. À mon avis, elles correspondent à une image dont on rêve : celle d’un amour qui naît quand et là où on ne l’attendait pas. Comme on veut y croire, on s’y accroche.


En quoi les dramas coréens sont-ils différents de ceux de l’Inde ?
En gros, ils se ressemblent beaucoup, mais, alors que les nôtres se passent dans un cadre très traditionnel qui ne permet pas à un étranger d’entrer facilement dans l’histoire, ceux de Corée réussissent à faire passer des sentiments universels. J’aimerais bien que les dramas indiens évoluent dans ce sens.


Quel est votre K-drama préféré ?
C’est Reply 1988, parce qu’il montre les relations entre les gens telles qu’elles pourraient exister entre voisins de n’importe quel pays. J’en suis mordue.


La réalité coréenne vous paraît-elle vraiment différente de celle des K-dramas ?
Sur le plan des sentiments, ils ne correspondent pas à la réalité, car, ici, les gens sont plutôt en concurrence. Il arrive souvent que des étrangers venus vivre en Corée pour connaître la vie de rêve qu’ils voient dans les K-dramas soient très déçus que des riches héritiers de chaebol ne soient pas à leurs pieds comme dans The Heirs, ou ne les aident pas à surmonter leurs difficultés, comme dans Boys Over Flowers. Sans parler des jeunes filles qui croient avoir trouvé leur oppa et dont profitent certains. Il faudrait que tous aient en tête que ce ne sont que d’agréables divertissements se déroulant dans un monde idéal.


Bridget McKeon
36 ans, australienne

 

Qu’est-ce qui vous a fait aimer les K-dramas ?
Je cherchais quelque chose de nouveau sur Netflix et, comme j’ai regardé un J-drama, l’algorithme m’a orientée sur Boys Over Flowers, qui m’a aussitôt plu. Puis, en consultant la liste de Netflix, j’ai constaté que les K-dramas gagnaient du terrain, ce qui est aussi le cas sur Prime et Disney+.


D’après vous, comment s’explique leur succès mondial ?
Pour la plupart, ils sont de très bonne qualité. L’intrigue est bien construite et chaque épisode finit de manière à entretenir le suspense. Ils ne comportent souvent qu’une saison, mais l’histoire étant longue, ils s’étalent sur seize épisodes et on peut mieux les assimiler qu’un film que l’on voit en une seule fois. Le rythme de deux épisodes hebdomadaires me plaît, car, ainsi, on n’a pas trop à attendre.


Qu’est-ce que vous appréciez plus particulièrement dans les K-dramas ?
La qualité des séries occidentales laisse souvent à désirer et elles sont parfois trop violentes ou trop crues. Les K-dramas, eux, ne parlent peut-être pas de problèmes importants, mais, en tout cas, ils sont beaucoup moins choquants et laissent entrevoir un peu d’espoir. Leurs scénaristes ont l’art de montrer des relations entre les gens qui donnent envie aux téléspectateurs de se plonger dans l’histoire. J’en ai parfois le cœur qui bat la chamade ! Les comédies sentimentales sont un peu cousues de fil blanc, mais, quelque part, cela rassure. J’aime aussi les dramas parce qu’ils me font découvrir d’autres cultures. Autre avantage, et non des moindres : tous leurs acteurs sont très séduisants.


Les K-dramas vous donnent-ils envie de mieux connaître la culture coréenne ?
Absolument. En 2019, j’ai même commencé à apprendre le coréen, car c’est agréable de moins avoir à lire les sous-titres. J’aime aussi la K-pop, que j’écoute en faisant du sport et je goûte à la cuisine coréenne. J’ai même du kimchi dans mon réfrigérateur ! La Corée est l’une de mes prochaines destinations de vacances !

Quel est votre K-drama préféré ?
J’en aime tellement que j’ai du mal à répondre à cette question, mais je dirais que c’est Legend of the Blue Sea. Quant à mes acteurs préférés, ce sont Lee Min-ho et Jun Ji-hyun. Enfin, le genre que j’adore vraiment est un mélange de comédie, de fantastique et d’amour.

Nguyen Thi Thuy Lan
23 ans, vietnamienne

 

En quoi les K-dramas vous intéressent-ils ?
La culture coréenne est arrivée au Vietnam quand j’étais à l’école. À l’époque, je n’avais pas de téléphone portable et l’Internet n’était pas aussi bien qu’aujourd’hui, alors je ne regardais que les émissions de musique ou les dessins animés des chaînes de télévision publiques. On y passait Boys Over Flowers à l’heure du déjeuner et tout le monde connaissait cette série. Étant jeune, je ne m’intéressais pas aux dramas coréens ou à la K-pop, et puis mon frère m’a dit un jour : « Pourquoi tu n’en regardes pas ? C’est drôle et il y a plein de beaux garçons ! » C’est ce que j’ai fait.


Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans les K-dramas ?
Évidemment, il y a les beaux décors, les acteurs séduisants et des intrigues toujours captivantes… mais, à mon avis, c’est le contenu lui-même que les téléspectateurs apprécient le plus parce qu’il leur permet d’apprendre beaucoup de choses sur les problèmes sociaux, la culture et l’histoire de la Corée. Qui plus est, en contant des histoires qui sont vraiment arrivées, les K-dramas leur permettent de se faire une idée des réalités de la vie dans le pays.


Sont-ils conformes à la réalité ?
J’imagine que ceux qui se passent dans la vie de tous les jours le sont effectivement, car je ne vois guère de différence entre eux et ce que j’ai découvert par moi-même quand j’étais étudiante. En les regardant, je me suis familiarisée avec la culture coréenne et j’ai appris à respecter les usages du pays. Ceci dit, il est vrai que certains K-dramas reposent sur une vision déformée de l’histoire. Comme leur public se compose aussi de nombreux étrangers qui n’ont pas une connaissance suffisante de l’histoire coréenne, ceux-ci peuvent subir l’influence de ce manque d’exactitude qui substitue alors une telle présentation à la réalité historique.


Quelle est leur réussite au Vietnam ?
Ils remportent un grand succès pour différentes raisons, mais surtout grâce à leurs acteurs, qui sont toujours très séduisants et livrent d’excellentes prestations, et à la beauté des lieux où se déroulent beaucoup de scènes. Bien des Vietnamiens aimeraient faire le voyage pour le seul plaisir de voir ces superbes paysages. Sur le fond, ils trouvent aussi les K-dramas intéressants et variés par leurs thèmes. Les nombreux K-dramas qui passent chaque année au petit écran abordent chacun une question de société différente dont ils traitent à leur manière. Enfin, ceux qui étudient le coréen y trouvent un bon moyen d’acquérir des connaissances sur la Corée tout en améliorant leur maîtrise de la langue.

Joel D.
71 ans, ressortissant américain en Thaïlande

 

D’où vous vient votre goût pour les K-dramas ?
Des amis me les ont fait découvrir en 2006, à commencer par All In, dont ils m’ont prêté le DVD et qui m’a captivé. Alors j’ai enchaîné épisode sur épisode jusqu’au dernier et je me suis rendu compte qu’il était 5 heures du matin… Ensuite je suis passé à Winter Sonata,Lovers in Paris et Dae Jang Geum, avec tout autant d’avidité.


En quoi sont-ils si différents des séries étrangères ?
Je me suis souvent posé cette question et j’en ai conclu que c’était avant tout par le jeu des acteurs. Je suis toujours surpris de voir à quel point ils sont expressifs, tour à tour pleurant, tombant amoureux, exprimant des émotions ou sentiments complexes, leurs peines, leurs regrets, leur colère, et le tout d’une manière très authentique, crédible et bouleversante. Ils se distinguent aussi par le développement de l’intrigue sur toute la durée de la série, alors que dans les productions occidentales, une intrigue différente se déroule dans chaque épisode. En dernier lieu, je citerai les rebondissements qui émaillent l’histoire pour continuer à captiver le téléspectateur, ce qui constitue une particularité du K-drama.


Le sous-titrage vous donne-t-il satisfaction ?
Ma connaissance limitée de la langue ne me permet malheureusement pas de suivre les K-dramas en version non sous-titrée, même si je saisis quelques mots ou phrases ici et là. Étant intéressé par la traduction, je réfléchis aux aspects de la culture coréenne qu’il convient de conserver tels quels ou d’adapter dans la langue d’arrivée. Dans le cas des appellatifs, par exemple, l’anglais se distingue du coréen par le fait que les gens s’adressent les uns aux autres par leur nom, alors qu’en coréen, on emploie toute une gamme de mots qui vont du registre affectif, tels « oppa », à un niveau plus formel, comme « ajeossi », « sonsaengnim » ou « seonbae ». Les sous-titres en langue anglaise se contentent de substituer les premiers aux seconds, ce qui n’a rien d’absurde, mais dénature dans une certaine mesure cette spécificité en lui conférant un ton plus américain ou européen.


Qu’en est-il de la place de la musique au sein du K-drama ?
Elle varie selon les œuvres, mais j’y ai observé certaines évolutions en quelques années. Dans All In et Winter Sonata que j’évoquais tout à l’heure, elle représente une part très importante, les airs de K-pop n’y servant pas seulement de musique de fond, mais faisant partie intégrante d’une situation. Dans une scène de noraebang, par exemple, la façon de chanter des personnages peut influer sur la manière dont ils sont perçus et sur les personnages et sur les relations qu’ils tissent entre eux. La série Reply (Reply 1988, 1997, 1994) se servait de la musique pop pour soutenir l’action.


Pierce ConranCritique de cinéma

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