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2020 SUMMER

Rubrique Spéciale

La chanson populaire coréenne de la guerre à la K-popRubrique Spéciale 2Les spectacles de la Huitième Armée américaine

Au lendemain du cessez-le-feu qui a suspendu les hostilités de la guerre de Corée en mettant en place une ligne de démarcation militaire entre les belligérants, les forces armées américaines qui ont participé au conflit sont restées stationnées au sud de cette frontière. Avec cette présence, allait apparaître toute une industrie musicale destinée à divertir les soldats cantonnés loin de leur pays et le succès que connaissaient certains artistes coréens dans ces « spectacles de la Huitième Armée » allait plus tard leur ouvrir les portes de brillantes carrières de chanteurs populaires.

En février 1954, Marilyn Monroe allait chanter devant les soldats de l’armée américaine et des Nations Unies stationnés en Corée du Sud lors de pas moins de dix spectacles donnés sur des bases militaires situées en divers points du territoire, dont à Séoul, Dongducheon et Daegu, ainsi que dans le canton d’Inje. Vêtue d’une robe légère à fines bretelles par moins de zéro degré, la célèbre actrice allait enthousiasmer le public. © gettyimages

L’engouement que suscite la K-pop en Asie comme ailleurs amène à s’interroger sur les facteurs qui ont favorisé un tel succès et en particulier sur ses véritables origines.

Le plus souvent, on fait remonter celles-ci aux spectacles qui se donnaient sur les bases de la Huitième Armée américaine dans les années 1950. La musique populaire coréenne, sous sa forme actuelle, résulterait donc de l’influence qu’exercèrent ces représentations en permettant de découvrir de nouveaux talents lors d’auditions ouvertes au public et en favorisant la création d’agences artistiques.

Si cette hypothèse n’est pas dépourvue de fondement, elle peut paraître réductrice au vu de la trentaine d’années qui sépare cette forme d’expression musicale de la K-pop d’aujourd’hui et les récentes évolutions qui ont conduit à celle-ci s’avèrent tout aussi importantes que cette lointaine influence.

Une présence militaire
Les nombreuses guerres qui jalonnent l’histoire du XXe siècle ont fait appel à d’énormes ressources tant matérielles qu’humaines et, pour les États concernés, le besoin de divertir les troupes s’est imposé pour entretenir leur moral comme leur patriotisme. Pendant la Première Guerre mondiale, le gouvernement des États-Unis a donc entrepris de mettre sur pied des spectacles à l’intention de ses soldats appelés à être envoyés sur de futurs fronts, cette réflexion débouchant sur la création d’organismes à but non lucratif, dits United Services Organizations (USO), qui allaient apparaître pendant la Seconde Guerre mondiale. Au cours de la guerre de Corée, puis au lendemain de ce conflit, de grands noms du show-business américain tels que Marilyn Monroe, Louis Armstrong ou Nat King Cole, pour n’en citer que quelques-uns, allaient effectuer en Corée du Sud une série de tournées organisées par l’USO.

Dès la Libération coréenne, qui mit fin au joug colonial japonais en 1945, l’industrie coréenne de la musique apporta une réponse au besoin de divertissement des militaires américains en garnison dans le pays, lequel était alors administré par un gouvernement militaire américain provisoire. Dans la moitié sud de la péninsule, le 24e Corps d’armée qui le représentait fut rapidement demandeur de tels spectacles et bientôt suivi par d’autres bases militaires du territoire. Les troupes et chanteurs coréens déjà présents dans la capitale depuis l’époque coloniale n’attendaient que d’être appelés par un responsable militaire, à leur bureau ou au café le plus proche, pour aller se produire devant ces soldats et s’étaient déjà initiés aux principaux styles populaires occidentaux que sont la musique latine, la chanson française ou le jazz, déjà très répandus dans les métropoles des années 1920.

Parmi les principales formations musicales auxquelles faisait appel l’armée américaine, figurait le groupe KPK, que dirigeait Kim Hae-song, ou Kim He-szong, le mari de la célèbre chanteuse Lee Nan-young et le père de Sue Kim et d’Aija Kim, lesquelles faisaient partie du fameux trio des Kim Sisters. Après des débuts de chanteur-compositeur en 1935, Kim Hae-song allait devenir l’un des grands noms du jazz coréen. Toutefois, on ne saurait en conclure trop hâtivement que la Huitième Armée américaine fut la seule à jouer un rôle dans l’introduction de la musique américaine en Corée.

Les spectacles de la Huitième Armée américaine ne prirent une véritable envergure qu’après le transfert du huitième quartier général de l’armée américaine, jusque-là situé au Japon, dans la capitale coréenne et plus précisément dans l’arrondissement de Yongsan, et suite à la création de l’organisation des forces américaines en Corée (USFK) en 1957. À plusieurs endroits du territoire, apparurent alors plusieurs bases militaires, dont celle de Yongsan, ainsi que celles de Pyeongtaek , Dongducheon et Daegu se trouvant, pour les deux premières, dans la province de Gyeonggi, et pour la troisième, dans celle du Gyeongsang du Nord. Dans leur enceinte, allaient peu à peu ouvrir leurs portes des clubs fréquentés par les militaires américains et, à la fin de la première moitié des années 1950, on en comptait pas moins de 264 dans les seules régions de Séoul et de la zone démilitarisée. Dès lors, les occasionnels spectacles d’artistes coréens ou de célébrités américaines invitées par le gouvernement militaire n’allaient plus suffire à satisfaire la demande croissante de divertissements émanant de ces établissements.

Les grands shows à l’américaine
Les spectacles de la Huitième Armée se multipliant par le mécanisme réciproque de l’offre et de la demande, une première agence de spectacle dénommée Hwayang allait être créée en 1957, suivie de celles d’Universal et de Gongyeong. Ces entreprises se dotèrent de structures spécifiques pour former, gérer et préparer aux auditions les nouveaux talents, ainsi que pour l’organisation des concerts. Tandis que les artistes continuaient jusqu’alors de se produire sur les scènes nationales tout en le faisant sur les bases militaires, ces agences allaient exclusivement se consacrer aux spectacles de la Huitième Armée. Au début des années 1960, dans un pays encore ravagé par la guerre, les importantes recettes des clubs des bases militaires américaines représentaient une véritable manne et l’USFK déboursait en moyenne un million et demi de dollars pour la rémunération des artistes coréens qui s’y produisaient, ce montant dépassant celui des exportations annuelles du pays, qui s’élevaient à environ un million de dollars. Dès lors, les agences de spectacle allaient connaître un essor rapide, et un quotidien de s’étonner, en 1962, que ces entreprises qui étaient au départ la création de « chanteurs de fêtes foraines » s’occupent de plus de mille chanteurs et musiciens appartenant à vingt-cinq troupes et soixante groupes.

Toujours plus d’artistes étant désireux de se produire sur les bases militaires américaines, la concurrence allait croissant entre ces établissements, dont l’une des principales activités consistait à former les artistes en vue des auditions qui se tenaient tous les trois à six mois devant un jury américain dépêché par le département américain de la Défense. De la note que se voyait attribuer un candidat, dépendaient son salaire et la fréquence de ses prestations, l’obtention d’un « AA » étant gage de revenus conséquents, tandis qu’en deçà, il fallait se contenter des bases militaires de province et des voyages en camion de l’armée, ce qui était synonyme d’échec.

Si les auditions de l’armée américaine lui permettaient de s’assurer de la qualité des spectacles, elles fixaient aussi de facto un ensemble de critères auxquel devaient répondre les artistes coréens. Hormis les genres musicaux, types de spectacle, sonorités et jeu de scène préconisés, toute autre forme d’expression artistique était bannie, notamment la musique typiquement coréenne et ses particularités, tandis que plus les artistes s’inspiraient de celles en vogue aux États-Unis, plus ils avaient la certitude d’être appréciés. Une prononciation correcte de l’anglais, l’aptitude à transmettre des émotions de manière naturelle et plaisante, une excellente présence en scène : autant de conditions à remplir par des artistes coréens dont on attendait qu’ils aient intégré le mode de divertissement américain, et, pour ce faire, qu’ils aient renoncé à exercer leur savoir-faire précédent.

Si les artistes coréens n’avaient pas la possibilité d’interpréter des morceaux de leur composition, ils n’en étaient pas moins fiers de se produire dans les clubs de l’armée américaine où se jouait une musique aux résonances urbaines jugées plus raffinées.

1. Kim Hae-song (1911-1950 ?) sur scène avec son groupe KPK créé en 1945, au lendemain de la Libération qui a affranchi le pays du joug colonial japonais. Régulièrement sollicités par la Huitième Armée américaine pour de tels spectacles, cet artiste et sa formation interprétaient le plus souvent des chansons coréennes du répertoire populaire en les adaptant à une musique de jazz. © Park Seong-seo
2. En 1966, les Korean Kittens ont chanté devant des soldats américains lors du spectacle que leur offrait Bob Hope à l’occasion de Noël, dans le cadre de l’USO, sur la base vietnamienne de Tan Son Nhat. Première chanteuse de ce groupe créé en 1964, Yoon Bok-hee (centre, 1946-) avait fait des débuts précoces dans les spectacles de la Huitième Armée américaine avant d’accéder à la notoriété.© Horst Faas

Des talents multiples
Dans les premiers temps, le répertoire de ces spectacles de musique populaire se composait principalement de morceaux de jazz à succès ou de titres coréens adaptés à ce style, mais les auditions se faisant systématiques, il allait ensuite se limiter exclusivement aux premiers, à l’exception de quelques airs célèbres en Asie, tel le chant folklorique coréen Arirang ou la chanson japonaise China Night. Afin de passer une audition avec succès, les artistes coréens devaient apprendre les chansons les plus appréciées du moment, comme en écoutaient les soldats américains sur le juke-box de leur base ou la station de radio AFKN (American Forces Korea Network), aujourd’hui connue sous le nom d’AFN Korea, mais aussi se plonger dans des ouvrages comme Stock Arrangement ou The Song Folio, ce qui allait les conduire peu à peu à une certaine forme d’acculturation.

La multiplication des spectacles proposés par la Huitième Armée américaine allait aussi entraîner une diversification des clubs qui les accueillaient. Ceux-ci pouvaient différer selon qu’ils étaient fréquentés par des officiers, sous-officiers ou recrues du contingent et par des soldats blancs ou noirs, et selon qu’il s’agissait d’associations à vocation philanthropique dont les prestations s’apparentaient à de grands concerts ou d’établissements de type classique avec vente de boissons alcoolisées et locaux de plus petite taille. Quant au genre de musique qui s’y jouait, il dépendait bien évidemment du public concerné, à savoir que les endroits réservés aux officiers, lesquels étaient pour la plupart blancs et âgés de plus de 30 ans, privilégiaient le plus souvent la standard pop, la musique semi-classique ou le jazz, tandis que les sous-officiers et soldats préféraient le rock, le jazz, le rythm and blues ou la musique country.

L’artiste coréen qui se produisait devant ces différents publics devait impérativement avoir plusieurs cordes à son arc en matière de genres musicaux, car, en se limitant à l’un ou l’autre d’entre eux, il se serait privé d’autant de possibilités d’exercer. Les spectacles militaires américains proposant aux troupes des succédanés de culture nationale pour ranimer leur patriotisme et chasser le mal du pays, les artistes coréens qui les assuraient se réduisaient dès lors à des sortes de juke-box humains au visage anonyme renvoyant le lointain écho des sons et sensibilités du pays natal, car, pour dépasser le stade de l’imitation, il leur aurait fallu disposer d’autres scènes.

Les spectacles de la Huitième Armée connurent leur apogée de 1957 à 1965, année à partir de laquelle les États-Unis allaient considérablement réduire leur présence militaire en Corée du Sud en raison de la guerre du Vietnam. Cette époque allait coïncider avec l’apparition du rock, qui supplanterait peu à peu la variété, le swing et le jazz, le répertoire proposé par la Huitième Armée s’adaptant promptement à cette évolution par l’interprétation des succès d’Elvis Presley ou des Beatles.

Une croissance « compressée »
Quoique se voyant interdire d’interpréter des morceaux de leur création et étant, pour certains, diplômés de l’université, fait peu commun à l’époque, les artistes coréens se flattaient de pouvoir se produire sur ces scènes. Une bonne maîtrise de la langue anglaise étant requise à cet effet, des études supérieures leur conféraient un avantage lors des auditions, outre qu’ils appréciaient de percevoir de bonnes rémunérations et d’accéder à une culture américaine plus « évoluée », notamment sa musique aux résonances urbaines jugées plus raffinées que la musique populaire coréenne dite teuroteu, c’est-à-dire le « trot ». Très prisé par les populations rurales comme par la classe ouvrière des zones urbaines, ce dernier genre était aussi désigné par le terme onomatopéique péjoratif de ppongjjak évoquant un rythme à deux temps. En 1965, il allait néanmoins tomber en disgrâce avec l’interdiction du titre La demoiselle aux camélias, de la chanteuse Lee Mi-ja, au motif que son style se « teintait d’une influence japonaise ». À l’inverse, la musique américaine allait occuper une place prédominante au fur et à mesure que les chaînes de télévision apparues dans la seconde moitié des années 1960 faisaient appel aux prestations de nombreux artistes se produisant pour la Huitième Armée.

Nul doute que la question du rôle qu’a joué la musique américaine dans l’avènement de l’actuelle K-pop mériterait que l’on y consacre des études plus poussées, mais il semble d’emblée que, contrairement à ce qui se passe dans les pays dépourvus de toute présence militaire américaine, l’évolution musicale qui a conduit à ce nouveau genre n’aurait pu se produire en l’absence d’une inspiration née des divertissements musicaux proposés par l’armée américaine. Cette influence a d’ailleurs accéléré les changements intervenus dans la musique populaire coréenne et on notera avec intérêt que la notion de « modernisation compressée », qui résume le mode particulier de croissance économique et sociale qu’a connu la Corée s’avère tout aussi pertinente sur le plan musical. 

Les Kim Sisters de Las Vegas

Zhang Eu-jeong Historien de la musique et professeur à la Faculté de culture générale de l’Université Dankook

 

Une septième place au classement du Billboard pour les singles, des participations par dizaines à des émissions télévisées de grande audience telles que The Ed Sullivan Show ou The Dean Martin Show et l’arrivée à Las Vegas du premier groupe féminin venu d’Asie : autant de prouesses dont peut se targuer le trio de chanteuses coréennes Kim Sisters qui a fait irruption dans le show-business américain plus de soixante ans avant que son homologue masculin BTS ne triomphe dans ce même pays. Ses membres se nommaient Sue Kim, Aija Kim et Mia Kim, celle-ci étant la cousine des premières, deux sœurs nées de l’union du compositeur Kim Hae-song avec la non moins célèbre chanteuse Lee Nan-young, dont le frère aîné était le compositeur Lee Bong-ryong, ainsi que le père de Mia Kim. C’est en 1953 que le groupe entame sa carrière musicale en se produisant dans les spectacles que donnait la Huitième Armée américaine pour ses militaires en garnison dans le pays. Ses trois artistes s’avéreront tout aussi douées pour la danse que pour le chant, jouant en outre de plusieurs instruments de musique différents, et le succès qu’elles remporteront auprès de ce public de soldats leur vaudra de se produire aux États-Unis dès 1959.

À l’occasion du centième anniversaire de la naissance de Lee Nan-young célébré en 2016, la première chanteuse des Kim Sisters, Sue Kim, allait accorder l’entretien dont suit un extrait à son domicile de Henderson, une ville du Nevada.

Pour marquer leur retour en Corée en 1970, douze ans après leur départ, les Kim Sisters donnèrent au Seoul Citizens Hall quatre journées de spectacle au cours desquelles le public allait les ovationner. De gauche à droite : Mia, Sue et Aija Kim. © Newsbank

Comment est né le groupe ?
C’est ma mère qui l’a créé, car, depuis que mon père avait été enlevé et emporté en Corée du Nord, en 1950, c’est-à-dire pendant la guerre de Corée, elle chantait sur les bases de la Huitième Armée pour gagner sa vie. Ne pouvant assurer ces spectacles épuisants à elle seule, elle a fait appel à ma sœur aînée, Yeong-ja, et à moi-même pour que nous nous joignions à elle. À l’époque, je me souviens que nous avons même chanté des chansons espagnoles et fait des claquettes. Quand Yeong-ja a grandi, ma sœur cadette Aija et ma cousine Mia l’ont remplacée, notre groupe prenant le nom de Kim Sisters.

Quand et comment avez-vous appris la musique ?
C’est notre père qui nous l’a enseignée dès notre plus jeune âge, à six ans, peut-être, dans mon cas. Papa avait l’art d’arriver sans crier gare et, dès qu’il nous lançait : « Un, deux, trois ! », mes six frères et sœurs et moi devions nous mettre en rond et chanter en chœur. À la moindre fausse note, il n’hésitait pas à manier la badine, mais il nous adorait. Il était aussi très fier de nous et le faisait savoir à ses amis : « Je ne suis peut-être pas riche, mais j’ai au moins mes enfants ! ». Cependant, il se montrait tout aussi sévère qu’affectueux et je me souviens très bien que maman, qui désapprouvait ses méthodes, l’a menacé plus d’une fois de prendre ses cliques et ses claques et de s’en aller.

Avec elle, il en allait tout autrement. Pour nous faire répéter avant les spectacles de la Huitième Armée, elle commençait par apprendre les titres américains que nous chanterions, puis, avec beaucoup d’application et d’intelligence, elle nous entraînait à les interpréter. Pendant ces répétitions, elle avait toujours à portée de la main une corbeille recouverte d’un linge blanc et remplie de fruits, comme les bananes, qui étaient très coûteuses à l’époque. Elle nous en donnait un quand nous savions chanter une chanson, ce qui avait de quoi nous encourager.

De quand date votre premier voyage aux États-Unis et qu’avez-vous alors ressenti ?
En 1958, maman a signé un contrat avec une agence artistique, mais nous sommes d’abord allées chanter devant les soldats américains d’Okinawa et ce n’est qu’en janvier 1959 que nous nous sommes envolées pour Las Vegas. Le contrat portait seulement sur quatre semaines, mais nous avons donné le meilleur de nous-mêmes, car nous prévoyions un retour difficile. Dès le premier spectacle, le succès était au rendez-vous, ce qui nous a permis de signer un nouvel engagement. Par la suite, nous avons été sollicitées pour la célèbre émission The Ed Sullivan Show, où n’étaient invités que des artistes très connus comme Elvis Presley ou Louis Armstrong. Pour notre part, nous y avons participé pas moins de vingt-deux fois et c’était toujours moi qui me chargeais de choisir et arranger les chansons, ainsi que de faire réaliser les costumes.

Ce ne doit pas avoir été sans inquiétude que votre mère a vu ses filles partir pour ce pays lointain. Que vous a-t-elle recommandé ?
Ses deux principaux conseils ont été : « Toujours bien vous entendre » et « Ne pas sortir avec des garçons », car elle pensait qu’il fallait que nous restions unies pour nous occuper les unes des autres et qu’en fréquentant des garçons, nous risquerions d’avoir des dissensions. Comme nous n’avions de toute façon pas eu de petits amis en Corée, nous n’éprouvions pas le besoin de faire des rencontres à l’étranger.

Quels souvenirs gardez-vous de votre séjour aux États-Unis ?
Avant tout, la cuisine coréenne nous manquait terriblement, en particulier le kimchi, dans le cas d’Aija, qui a fini par avoir un ictère. De plus, nous ne travaillions pas dans de très bonnes conditions. Après avoir chanté plusieurs chansons, nous nous allongions quelques minutes sur un lit placé dans les coulisses, puis il fallait repartir en scène. En dépit de cela, Aija avait plus que tout envie de kimchi, au point de pleurer, ce qui lui arrivait souvent. Heureusement, nous en avons reçu de Corée, mais cela a pris du temps. La première fois, quand je suis allée chercher le colis, on ne me l’a pas remis, pour la bonne raison qu’il avait été jeté à cause du jus qui coulait partout, et je me souviens avoir marmonné : « Plus il fermente, mieux c’est ».

Comment s’est déroulée votre vie là-bas ?
Aija s’est mariée en mars 1967 et Mia, le mois suivant, alors je me suis sentie très seule, mais, un beau jour, j’ai rencontré John et l’ai épousé un an après, également en avril. Il faisait partie de nos plus fidèles admirateurs et avait assisté à nos spectacles pas moins de huit fois. En 1973, nous avons fini par dissoudre le groupe, mais en 1975, ma sœur aînée Yeong-ja s’est jointe à nous pour nous faire remonter sur scène, ce que nous avons fait dix années durant. Quand Yeong-ja est partie de son côté, Aija et moi avons créé, avec nos jeunes frères Yeong-il et Tae-seong, un nouveau groupe que nous avons appelé les Kim Sisters & Kim Brothers. Puis Aija a décédé d’un cancer en 1987, alors notre formation a pris pour nom Sue Kim et Kim Brothers. J’y ai chanté jusqu’en 1994, année où j’ai eu un accident de la route et subi des blessures au dos qui ne m’ont pas permis de continuer à chanter. Pour me lancer dans une autre voie, j’ai décidé de me reconvertir dans l’immobilier et, après sept échecs successifs, j’ai enfin obtenu ma carte professionnelle, ce qui m’a permis de travailler comme agente pendant ces vingt dernières années. 

Lee Kee-woong Chercheur du projet HK à l’Institut de civilisation extrême-orientale de l’Université Sungkonghoe

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