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2023 WINTER

Une préparation délicieuse et réconfortante en toute saison

Composé d’une généreuse couche de pâte à la farine de haricot mungo à laquelle on mêle viande et légumes avant de faire dorer l’ensemble pour lui conférer son aspect appétissant, le bindaetteok traditionnel ravit les gourmets par son léger goût de noisette et sa texture croustillante.

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Le bindaetteok, qui substitue le haricot mungo moulu à la farine de blé employée dans la plupart des plats dits buchimgae, est l’exemple par excellence des «geot-ba-sok-chok», ces aliments croustillants à l’extérieur et moelleux à l’intérieur.

L’ coréenne « geot-ba-sok-chok », qui signifie littéralement « croustillant à l’extérieur et tendre à l’intérieur », désigne des plats frits présentant cette alléchante alliance de textures que le fameux bindaetteok illustre à merveille.

La saveur et le croustillant

Le bindaetteok appartient à une catégorie de préparations traditionnelles, servies lors de fêtes familiales et autres occasions, qui sont dites buchimgae, ou jeon et regroupent différentes sortes de crêpes coréennes garnies de légumes, viande ou poisson que l’on a fait revenir dans l’huile après les avoir farinés ou trempés dans l’œuf battu.

Si le bindaetteok occupe une place privilégiée parmi ces mets, c’est en raison de l’emploi de haricots mungo frais moulus à la meule de pierre en lieu et place de l’habituelle farine de froment. Lors de leur mise en œuvre dans la confection de la pâte, viendront s’y ajouter légumes, viande ou autres ingrédients avant d’en étaler une épaisse couche dans une poêle bien chaude que l’on aura convenablement graissée. Cette cuisson à haute température, aux côtés de l’épaisseur et de la ferme consistance de la pâte de haricot mungo, permettra d’obtenir le fameux croustillant de surface du bindaetteok, qui surpasse en cela les buchimgae à base de farine de froment, d’une texture plus légère et plus élastique. Sur le plan gustatif, s’ajoute au goût de noisette, qui prédomine, celui des légumes jeunes, l’ensemble composant une riche gamme de saveurs qui se marie agréablement avec celles des autres ingrédients.

Dans la recette d’origine, qui pouvait comporter quelques variantes selon les particularités de la cuisine familiale, pousses de fougère, germes de haricot mungo, ciboule, kimchi et piment entraient dans la composition du bindaetteok, des ingrédients plus luxueux pouvant s’y ajouter chez les plus fortunés, dont le porc haché et des légumes variés, ou d’autres moins onéreux dans les ménages modestes. Quel que soit le procédé retenu pour sa préparation, le bindaetteok s’impose de longue date comme un plat d’une réalisation aisée et peu coûteuse, ce qui s’avère appréciable en période de difficulté économique.

Aux origines du mets

 

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La préparation consiste à tremper le porc et les légumes dans la pâte de haricot mungo, puis à les faire frire dans le saindoux sur une plaque chauffante grésillante que l’on a préchauffée à plus de 300°C et qui confère à l’ensemble sa texture agréablement croustillante et son délicieux goût de noisette.
© Shutterstock

L’apparition du bindaetteok fait l’objet de plusieurs hypothèses, certaines faisant remonter sa présence à des cultes ancestraux où, de dimensions plus réduites, il aurait été surmonté de morceaux de viande frite. Au fil du temps, sa consommation s’étendant aux milieux populaires, on en servit des portions plus généreuses qui lui valurent d’être appelé « binjatteok », c’est-à-dire le « gâteau du pauvre ». Selon une autre thèse laissant penser qu’il était destiné à régaler les personnes en visite, son nom proviendrait de l’ bindae, qui signifie « recevoir des invités ». Plusieurs s historiques font état de la confection de bindaetteok, sous le royaume de Joseon, par des familles cossues qui, lors de maigres récoltes, faisaient œuvre de charité en les distribuant aux gueux massés devant la grande porte de Sungnyemun, l’une des quatre entrées principales perçant les murailles de la forteresse de Séoul.

Selon toutes les sources historiques, le bindaetteok faisait surtout partie de l’alimentation de base des habitants des régions de Pyongan et de Hwanghae aujourd’hui situées en Corée du Nord jusqu’à la guerre de Corée, où les réfugiés fuyant vers le sud allaient l’y apporter. Dans un pays ravagé par ce conflit et la colonisation japonaise qui l’avait précédé, destructions et exode massif furent le lot de millions de personnes, nombre d’entre elles trouvant refuge dans des constructions en ruine ayant abrité habitations ou magasins. Leurs occupants s’y livrèrent parfois à la vente de plats cuisinés tels que la soupe au riz dite gukbap ou des buchimgae variés et du makgeolli, cet alcool de riz. C’est ainsi qu’allait peu à peu s’attacher au bindaetteok l’image du réconfort apporté à ceux qui ont tout perdu en les soulageant de la faim et en allégeant leurs souffrances, mais en temps ordinaire, il allait tout simplement fournir un plat économique et nourrissant aux gens du commun.

Un plat du goût de tous
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Au marché de Gwangjang comme dans le quartier d’Euljiro situés dans la capitale, se trouvent plusieurs restaurants de bindaetteok qui existent depuis plus de quarante ans.
© OFFICE NATIONAL DU TOURISME DE CORÉE

La préparation de l’authentique bindaetteok exige impérativement l’emploi de saindoux au lieu d’huile végétale ou de sésame, car cet ingrédient est à l’origine des subtiles saveurs de noisette qui font la particularité de ce plat. Pour les obtenir le plus fidèlement possible, ainsi que la consistance tendre à l’intérieur et croustillante à l’extérieur qui le caractérise, il importe d’effectuer avec soin la cuisson de la pâte de haricots mungo garnie de morceaux de porc et de légumes dans une poêle préalablement chauffée à plus de 300° C et abondamment graissée avec du saindoux.

Situés au cœur de la capitale, le marché de Gwangjang et le quartier d’Euljiro abondent en restaurants ayant le bindaetteok pour spécialité et, pour certains, une histoire vieille de quarante ou cinquante ans. Parmi les plus réputés d’entre eux, se trouve le Pakgane Bindaetteok, ou « Bindaetteok des Park », qui s’attache à perpétuer la recette ancestrale de ce plat en la respectant à la lettre, mais doit aussi son succès à une curieuse association culinaire, puisque le bindaetteok y est servi avec des émincés de viande bouillie dits pyeonyuk et de l’eoriguljeot, une marinade d’huîtres aux épices. Cette alliance de saveurs, légère dans le cas des premiers, et relevée, dans celui de la seconde, se marie particulièrement bien avec le goût tout aussi doux et généreux du bindaetteok. Comme sur le marché de Gwangjang, d’autres quartiers abritent des restaurants qui continuent de proposer de telles préparations et le doux bruit qu’elles font en cuisant sur les plaques brûlantes fait partie du quotidien de la population. Les cuisines de ces vénérables établissements étant visibles de l’extérieur à travers leur large vitrine, les curieux ne manquent pas d’épier les opérations qui s’y déroulent, attirés par de délicieuses odeurs et par le spectacle des cuisiniers à l’œuvre.

Des formules variés

Le bindaetteok donnant la possibilité de faire entrer des ingrédients variés dans sa composition du fait de sa cuisson par friture, toute une gamme de saveurs s’offre ainsi au choix de ceux qui le préparent et peuvent indifféremment employer viande, légumes ou fruits de mer au gré d’une imagination sans limites. Forte d’une expérience de plus de quatre décennies, la chaîne de restaurants JBD Jongno Bindaetteok s’est ainsi fait un nom en proposant à son menu une remarquable diversité de bindaetteok agrémentés de kimchi, poulpe et autres fruits de mer. L’une des plus remarquables, cuite à la perfection, comporte en quantité généreuse des huîtres dont le goût prononcé s’allie à merveille avec les riches saveurs du haricot mungo pour le plus grand plaisir des amateurs de bonne chère.

Un bindaetteok peut en outre s’accompagner avantageusement d’un verre de makgeolli, d’où la multiplication actuelle des restaurants qui les servent ensemble. Quant à l’aménagement des différents restaurants, il peut être de style contemporain et raffiné dans la présentation de ses plats, ou conserver le charme désuet d’un cadre à l’ancienne qui éveille la nostalgie de la Corée d’autrefois. Enfin, la tendance qui prévaut actuellement dans les menus proposés est celle d’une unique recette et, en matière de boissons, d’un grand nombre de produits traditionnels.

Une nourriture du corps et de l’âme

À l’humble aliment qui apportait le réconfort à des réfugiés de guerre, a succédé une préparation aux multiples variantes destinées à séduire nos contemporains, mais le bindaetteok occupe depuis toujours une place particulière dans le cœur des Coréens. Par ses origines anciennes, cette délicieuse et croustillante préparation évoque des souvenirs pleins de nostalgie, mais demeure aujourd’hui encore l’une des plus appréciées de Corée, qu’elle soit consommée sous forme d’en-cas à tout moment de la journée ou à l’occasion d’un dîner arrosé d’une boisson alcoolisée.

Si le succès du bindaetteok ne se dément pas grâce à ses qualités gustatives, il s’explique aussi désormais par ses propriétés bénéfiques pour la santé, notamment en raison du rôle détoxifiant du haricot mungo qui en constitue l’ingrédient principal, ainsi que de ses vertus pour la peau et les reins. Pour répondre à une demande croissante de ce produit, toute une gamme de plats prêts à la consommation ou semi-cuisinés est proposée sur le marché par des fabricants toujours plus nombreux. Particulièrement pratiques, car n’exigeant pas de décongélation et se prêtant à une rapide cuisson à l’huile, ces plats des rayons frais séduisent aussi par un prix attractif, ainsi que par une qualité égalant presque celle de la restauration : autant d’atouts susceptibles de séduire le consommateur.

Hwang Hae-wonRédactrice en chef de Food Service Management
Lee Min-heePhotographe

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