Violets
(Violettes)
Kyung-Sook Shin
Traduit par Anton Hur,
2022, The Feminist Press, New York, 212 pages, 15,95 $
Comme une fleur délicate au milieu de la ville
Née dans une famille que le père a abandonnée et dans un village dominé par un clan, celui des Yi, Oh San fait figure d’étrangère aux yeux d’autrui et c’est avec une enfant comme elle, Sur Namae, qu’elle noue des liens d’amitié. Leur rencontre a lieu près d’un champ, au bord d’un ruisseau où elles étaient venues étendre du linge et leur vie s’en trouvera transformée. Tandis que Namae repousse San et renie tout ce qui les rapproche, celle-ci ressent pour la première fois un besoin d’amour. Son amie finissant par lui tourner le dos, tandis que sa mère la délaisse dès qu’elle a un petit ami, San se résigne à vivre ces trahisons dans la solitude jusqu’à la fin de ses études secondaires, où elle décide de partir pour la capitale.
Son attirance pour l’écriture l’incite à proposer ses services à une maison d’édition afin de travailler sur les œuvres des écrivains qu’elle admire tant, l’échec de sa candidature la contraignant cependant à accepter un emploi chez un non-entendant avec lequel elle ne peut communiquer que par écrit, mais qui l’embauche au terme d’un entretien saugrenu. Son magasin lui tiendra lieu de refuge, car elle y trouve réconfort et apaisement en prenant soin des fleurs avec cet amour qu’elle souffrait de devoir garder au fond d’elle, la nièce du commerçant lui faisant toutefois remarquer qu’elle arrose trop les plantes, ce qui les fait pourrir.
Pour autant, cet univers de plantes vertes et de fleurs colorées ne lui offre pas le paradis sur terre, car, si San n’est pas mécontente de sa vie, elle ne peut que constater que « l’encre se tarit en elle » et que les mots lui viennent avec difficulté devant la page blanche. En outre, elle ne pourra pas toujours préserver ces lieux des intrusions du monde extérieur, comme lorsque y font leur entrée l’arrogant Choi Hyun-li qui lui fait la cour sans vergogne et un photographe qui se préoccupe moins de photographier les violettes que de séduire la jeune femme. C’est ce dernier qui provoquera les premiers souffles de vent annonciateurs d’une tempête à l’issue incertaine pour elle.
Le roman de Shin Kyung-sook date de 2001, c’est-à-dire, comme le souligne l’autrice, d’« une époque où les femmes faisaient systématiquement l’objet de discriminations et étaient réduites au silence ». Vingt années après la première parution du livre en Corée, certains éléments de son décor subsistent, tels ce restaurant Pomodoro situé derrière le Centre Sejong des arts du spectacle, alors que la société dans son ensemble a considérablement évolué. Le mouvement #MeToo a libéré la parole des femmes, qui peuvent ainsi témoigner de leur vécu, quoique certains aspects continuent de résister au changement, la démarche de #MeToo provoquant parfois un malaise. En dépit des deux décennies écoulées, Violets demeure un récit qu’il est pertinent de dire et, plus encore, d’entendre, tout comme il le sera tant que la question dont il traite restera d’actualité.
The World’s Lightest Motorcycle
(La moto la plus légère du monde)
Yi Won
Traduit par E. J. Koh et
Marci Calabretta Cancio-Bello, 2021, Zephyr Press, Brookline, 128 pages, 16 $
Un miroir tendu à l’humanité
La traduction anglaise intitulée The World’s Lightest Motorcycle permet de découvrir un ouvrage qui dépeint l’univers littéraire du poète coréen d’avant-garde Yi Won et s’accompagne de plusieurs textes de l’auteur en langue coréenne. Outre cette porte ouverte sur son œuvre, elle représente par son apport une somme plus grande que les parties qui la composent, les lecteurs coréanophones étant bien conscients des difficultés que suppose une transmission précise de l’esprit de cette poésie dans une autre langue.
Dans les textes qui la composent, figurent à la fois des thèmes intemporels et contemporains tels que l’expérience humaine du temps et le rapport de l’homme aux machines, mais le lecteur y décèlera aussi certains symboles qui font alterner ombre et lumière, dont ceux du papillon emblématique de l’arrivée du printemps, du chameau, ce vaisseau du désert, des chemins qui se croisent pour sillonner l’univers ou des miroirs qui transforment le mangeur en mangé et la gauche en droite. À n’en pas douter, bien des écueils se dressent dans l’interprétation de ces textes, notamment ceux intitulés Time and a Plastic Bag ou Tick, Tick, Tick, Tick où la virgule se fait couteau pour découper la phrase en de nombreux fragments et qui, loin de se limiter à des mots couchés sur le papier, s’animent de rythmes expressifs dont les respirations et palpitations contraignent le lecteur à écouter leur musicalité et à voir les images qu’ils créent.
7707
https://www.youtube.com/channel/UCZigS1LHB6SBOlscLpSUZQg/featured
Pour que rayonne la culture coréenne
Dernière création de la Fondation de Corée, la chaîne 7707 a vocation à faire découvrir l’art et la culture de Corée par des diffusions originales et hautes en couleur. Actuellement constituées de trois séries, auxquelles viendront s’ajouter d’autres à l’avenir, ces productions comportent notamment celle intitulée K-Design, dont les trois courtes vidéos montrent la place du design dans différents aspects de la culture coréenne. On y découvre comment de célèbres chefs ont fait connaître la gastronomie coréenne, en quoi les petites tables traditionnelles dites soban s’adaptent par leur aspect aux sensibilités et matériaux modernes, ou encore la forme sous laquelle les délicates broderies traditionnelles sont toujours présentes dans l’habillement et sur les paravents. Quant à Shake Your Taste, sool, ce titre dont le dernier vocable désigne en coréen les boissons alcoolisées, elle est présentée par le sommelier Dustin Wessa, lequel explique qu’à chaque saison de l’année, correspondent autant de variétés d’alcools coréens et d’amuse-bouche correspondants. Enfin, Wrap Around the World rend hommage au fondateur de l’art vidéo, Nam June Paik, dont cette année marque le quatre-vingt-dixième anniversaire. Différentes créations émanant d’artistes coréens contemporains viennent ici compléter celles du célèbre vidéaste déjà présenté par une première émission en 1988, année des Jeux olympiques de Séoul qui allaient permettre au public de mieux connaître la Corée.