
Dans le centre historique de Séoul, mais plus particulièrement à proximité de l’imposantpalais de Gyeongbok ou dans le quartier de Bukchon aux maisons d’autrefois pleines decharme, il n’est pas rare de voir flâner des jeunes femmes arborant un superbe hanbok. Serendent-elles à quelque manifestation festive ou s’en retournent-elles d’un mariage ? Leur tenueremonte à des origines très anciennes, mais fut un temps délaissée suite à l’introduction d’articleset de goûts nouveaux qu’entraîna l’ouverture des ports au commerce international à la fin duXIXe siècle, sans pour autant disparaître des rues de la capitale, loin s’en faut, puisqu’elle se portaitencore souvent pour sortir. La croissance de la production textile favorisant celle du secteur dela mode, costumes et autres vêtements pour la ville de style occidental allaient bientôt devenir lanorme. Les hanbok restèrent alors au fond des armoires pour n’en sortir que pendant les principalesfêtes, dont celles du Jour de l’An et de Chuseok, ainsi que dans certaines occasions commeles cérémonies de mariage.
Mais voilà qu’il retrouve grâce aux yeux des Coréens depuis quelques années, ce qui amène às’interroger sur cette nouvelle tendance ! C’est une initiative du ministère de la Culture, des Sportset du Tourisme qui a amorcé le mouvement en créant dès 1996 une journée dite « du port du hanbok», la tendance se renforçant par la suite grâce à la décision de l’Office du patrimoine cultureld’instituer la gratuité d’accès aux principaux palais de la capitale pour toute personne endossantce costume. Désormais, l’entrée est donc libre dans ces quatre grands bâtiments historiques, maisaussi au sanctuaire des souverains de Jongmyo également situé à Séoul, ainsi que sur tous les sitesdes environs qui abritent les tombeaux du royaume de Joseon.
Les nocturnes proposées plusieurs fois par an au aux palais de Gyeongbok et Changgyeongallaient achever de lancer la nouvelle vogue du hanbok. Afin de réguler le flot des visiteurs, seulssont admis ceux d’entre eux qui ont effectué une réservation, cette règle ne s’appliquant cependantpas aux visiteurs portant le hanbok, lesquels peuvent entrer gratuitement et échapper à la bousculadesans s’être donné la peine de réserver. Pour obtenir le précieux sésame, il leur suffit en effet dese présenter en tenue impeccable aux portes des palais. Si cette possibilité attire surtout les habitantsde la capitale, elle séduit aussi les touristes tentés par une romantique balade au clair de lunedans de magnifiques jardins ou désireux de s’essayer aux jeux populaires d’autrefois.
Au voisinage de ces édifices royaux, on voit fleurir partout les magasins de location de hanbokqui prospèrent en tirant parti de leur regain de succès. Ils permettent à tous ceux qu’effraie le prixprohibitif de cette tenue d’une confection complexe, en particulier les plus jeunes, d’en revêtir uneà moindres frais le temps d’une visite de quelques heures, voire d’une journée. Les couples ougroupes d’amis qui l’auront fait afficheront plus tard sur les réseaux sociaux quantité de photos oùils semblent glisser au sol avec grâce dans ces élégants costumes, tels des acteurs ou actrices defilms historiques qui ont pour décor palais et villages traditionnels. Dans de telles circonstances, lavie tiendrait presque d’une scène de théâtre dont le charmant hanbok serait un accessoire.
Ces jeunes promeneurs se doutent-ils que sa fabrication artisanale connaît aujourd’hui lemarasme en Corée et que les articles importés de qualité grossière qui inondent les magasins delocation ne sont qu’une version édulcorée, kitsch et multicolore, du véritable hanbok à la beauté distinctive?