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2019 SUMMER

Un légume qui s’inscrit dans le temps

Comestible de sa chair à ses graines, en passant par ses fleurs et tiges rampantes, la courge, dite hobak en coréen, est communément employée dans la confection de plats de résistance ou d’accompagnements qui font revivre le souvenir des repas de famille d’autrefois.

La saison des citrouilles s’étendant de l’hiver à l’automne en Corée, on ajoute souvent ce légume aux bouillies à la farine de riz glutineux et les femmes qui viennent d’accoucher consomment aussi son jus pour réduire les gonflements dus à la grossesse.© imagetoday

Différentes espèces de courge correspondent à certaines saisons, l’été étant celle de la courgette à la peau fine, tandis que l’hiver annonce l’arrivée de la citrouille, dont la chair jaune recouverte d’une peau dure et épaisse rappelle la patate douce par son goût et sa texture, cette distinction fondée sur l’époque de la récolte n’étant toutefois pas toujours pertinente.

En effet, les aehobak et neulgeun hobak, ces courgettes jeunes et « vieillies », comme le disent les Coréens, peuvent appartenir ou non à une même variété. Les premières, d’un vert tendre, que l’on consommait autrefois l’été, étaient ainsi de la même espèce que les grosses courges brun jaunâtre de l’automne, parfois de la taille d’un ballon de rugby. De nos jours, ces courges vieilles se divisent en différentes variétés, dont le cheongdung hobak, un potiron à la peau jaune orangé très coriace qui se récolte une fois arrivé à maturité. Quant à la danhobak, cette « courge sucrée » particulièrement appréciée et disponible en toute saison, elle est apparentée à celles de l’hiver en raison de son goût, de sa texture et de sa longue conservation.

Peintres et écrivains

Dans les productions des artistes, la présence d’une courge peut constituer un repère temporel en permettant de dater un tableau, telle cette énorme Citrouille que l’Italien Bartolomeo Bimbi (1648-1729) a représentée sur fond de ciel orageux. Selon les archives de l’époque, il fallut deux hommes robustes pour transporter ses quatre-vingts kilos jusqu’à l’atelier de l’artiste, sous les applaudissements de la foule qui les suivait.

Et encore ses dimensions s’avèrent-elles bien modestes par comparaison avec les variétés actuelles, dont un spécimen récolté en Belgique en 2016 détient le record mondial par son poids qui s’élevait à 1 190,5 kg. Il n’en demeure pas moins que son ancêtre a permis de savoir avec certitude que le tableau en question ne pouvait être antérieur au XVIe siècle. En effet, si la culture de cette plante originaire d’Amérique du Sud remonte à environ 5000 ans avant Jésus-Christ, ce n’est qu’au XVIe siècle qu’elle s’est largement répandue en Europe. Sur le portrait de l’empereur germanique que peignit en 1590 le Milanais Giuseppe Arcimboldo (1526-1593), la tête du sujet se compose de différents fruits et légumes, dont des courges, présentées à cette époque comme une culture du Nouveau Monde, aux côtés du maïs. En 1711, le peintre Bimbi allait aussi faire figurer des courges sur ses tableaux.

Dans la littérature, celles-ci, ainsi que les citrouilles, firent leur apparition à peu près à la même époque. Celle que la fée de Cendrillon transforme en carrosse doré d’un coup de baguette magique semble tirée d’un conte ancien, mais il s’agit d’un ajout que fit Charles Perrault en 1697 à un récit issu de la tradition orale. Vers 1597, Shakespeare fit aussi mention de ce légume dans Les joyeuses commères de Windsor, où Dame Alice Ford compare le glouton et coureur de jupons Sir Falstaff, à « cette humidité malsaine, cette énorme citrouille à la chair noyée d’eau » (« this unwholesome humidity, this gross watery pumpkin »).Sur un Vieux Continent encore peu accoutumé à cette plante, la grosseur de son fruit doit avoir inspiré ce parallèle avec un personnage corpulent et imbu de lui-même. Si les Amérindiens la chérirent au point de lui consacrer une fête, les émigrés d’Europe la dédaignèrent, car ils y voyaient avant tout une nourriture de paysans pauvres.

Souvenirs culinaires

Si les Coréens soulignent l’aspect disgracieux de la courge et lui comparent les personnes au physique ingrat, la défunte romancière Park Wan-suh (1931–2011) ne s’en souciait guère, affirmant ne pas résister à la tentation d’acheter l’un de ces jeunes légumes ronds et bien luisants aux profondes cannelures, voire cédant presque à la tentation de cueillir ceux qu’elle entrapercevait au milieu des tiges qui envahissaient les murs de son voisin. Si elle goûtait le fruit de cette plante, elle en appréciait plus encore les feuilles, à propos desquelles elle écrit dans son recueil de prose Le sarcloir :

« Je retire la tige rugueuse des feuilles de courge fraîches, puis je les lave. Pendant qu’elles cuisent doucement à la vapeur sur un lit de riz, je prépare la sauce au concentré de soja dans une terrine. Cette sauce doit être savoureuse. Je mélange à une cuillerée de concentré de soja non tamisé une goutte d’huile de sésame, de l’ail émincé, du poireau et un peu d’eau de rinçage du riz, puis fais bouillir le tout un moment, avant d’ajouter du piment haché en quantité égale à celle du concentré, afin d’épaissir la sauce. À l’intention des gourmets, des anchois séchés et concassés agrémenteront l’ensemble de leur saveur, la cuisson des feuilles pouvant se faire dans un étuveur plutôt que sur le riz ».

Les feuilles de courge fournissent un plat de saison qui peut se déguster de l’été à la fin de l’automne, époque à laquelle les vents commencent à fraîchir, et leur consistance à la fois tendre et croquante s’allie si bien avec les saveur et texture du riz et de la sauce bien relevée au concentré de soja que les gourmands ont du mal à s’arrêter d’en manger. « On est alors aussi satisfait et détendu que si l’on n’avait plus rien à désirer », en concluait Park Wan-suh. Cette dégustation lui évoquait invariablement les repas de sa ville natale qu’elle prenait sur une modeste tablette pliante, voilà un demi-siècle, les murs où grimpait la plante, le jardin potager et son estrade soutenant de gros pots de sauces et condiments, mais aussi le soulagement qu’elle éprouvait à son retour en dépit de sa fatigue.

Tout un chacun conserve le souvenir d’avoir mangé autrefois de la courge, sous une forme ou une autre, de même que la ratatouille provençale est indissociable des courgettes qui entrent dans sa composition. En Italie, les fleurs jaunes de la courge sont présentes dans la gastronomie, comme en atteste un tableau de Vincenzo Campi (1536–1591), La marchande de fruits, où figurent ces fleurs comestibles à côté de fruits et légumes divers. En Amérique centrale comme du Sud, leur emploi culinaire remonte à des temps anciens, notamment dans cette dernière, qui en est la région d’origine. Au Mexique, elles sont particulièrement appréciées dans des soupes ou avec une farce au fromage Oaxaca.

Aussi savoureuse qu’économique, la courgette est particulièrement appréciée en été, non seulement pour sa chair, mais aussi pour ses feuilles tendres que l’on peut faire bouillir ou cuire à la vapeur pour les farcir de riz et d’une généreuse cuillerée de concentré de soja bien relevé.

Si la courge s’accommode le plus souvent en ragoût au concentré de soja ou en garniture de potages aux nouilles, elle peut l’être tout aussi avantageusement sous forme de beignets frits à la poêle.

Très prisé des Coréens, ce gâteau de riz à la courge se compose de farine de riz et de chair de courge vieillie salés et sucrés, puis cuits à la vapeur. © Institut de recherche sur la cuisine de cour

Si la recette du hobakseon possède plusieurs variantes régionales, elle consiste le plus souvent, après avoir découpé les courgettes en morceaux, à les garnir d’autres légumes assaisonnés et à faire cuire le tout à la vapeur, comme le préconisent les livres de cuisine traditionnels. © Institut de recherche sur la cuisine de cour

Dans la recette très simple du hobakjeon, qui fait partie de la cuisine familiale, il convient de découper les courgettes en belles tranches épaisses que l’on plongera dans l’œuf battu et enduira de farine avant de les faire frire à la poêle. © Topic

Des spécialités de saison

Bien ancrée dans les traditions, la courge répond aussi aux goûts de nos contemporains comme à leurs impératifs diététiques, non seulement par sa faible teneur en calories et matières grasses, mais aussi par son abondance de protéines, glucides, vitamine A, potassium et fibres. Dans ce domaine, la tendance actuelle est à la consommation de nouilles à base de courgette, plutôt que de celles composées de farine, la courge spaghetti, dont la chair ramollit à la cuisson, étant aussi appréciée depuis des dizaines d’années.

À la saison chaude, la courge se décline en de nombreuses variétés au nombre desquelles figurent la courgette longue, de couleur verte, et celle de même forme, mais jaune et au goût de champignon. Ainsi, ce légume varie non seulement par sa couleur, qui va du vert foncé à l’orange, en passant par le vert jaunâtre et le jaune, mais aussi par ses dimensions, ainsi que par sa forme. À celle, en gland de chêne, de la courge poivrée, s’oppose l’aspect aplati du pâtisson, qui se termine à l’une de ses extrémités par une sorte de coquille. S’il est aujourd’hui possible d’acheter toute l’année des courges d’été, celles-ci sont tout de même plus savoureuses en saison. Cueillies jeunes et de petite taille, c’est-à-dire d’une longueur de 15 à 20 centimètres, elles s’avéreront plus sucrées, car renfermant moins d’eau. Elles viennent le plus souvent agrémenter ragoûts au concentré de soja et potages aux nouilles, mais s’avèrent tout aussi délicieuses en beignets composés de fines tranches trempées dans l’œuf, puis frites à la poêle.

La courge convient aussi à des préparations plus consistantes, telle l’une des recettes figurant dans le Siui jeonseo, ce « recueil de bonnes recettes » du XIXe siècle, et dite hobakseon, où elle est cuite à la vapeur avec une garniture. Après avoir transversalement découpé de jeunes courges de la grosseur d’un poing en tranches, on fait cuire celles-ci à la vapeur, puis on les farcit avec un hachis composé de bœuf, de poireau, d’ail, de poivre, d’huile et de miel, auquel on ajoutera des champignons variés, comme le shiitake, la pleurote ou le champignon lichénisé, ainsi que du poivron rouge râpé et des lanières d’œufs frit. Parmi les nombreuses variantes actualisées de ce plat centenaire, figure l’une des recettes préférées des Coréens dans laquelle on fait sauter dans l’huile de périlla des tranches de courge accompagnées de crevettes salées.

Par comparaison avec la courge d’été, dont la durée de conservation est courte, la courge d’hiver présente une teneur élevée en amidon qui permet de la garder plusieurs mois avant de la consommer. S’agissant de la courge d’hiver, ses caroténoïdes présents en abondance sont à l’origine de la couleur jaune orangé qui est le plus souvent la sienne, certaines de ses variétés étant très colorées ou rayées de vert. Peu agréable lorsqu’elles sont crues, leur goût se fait plus sucré à la cuisson, comme c’est le cas des patates douces. On obtiendra ainsi une courge musquée des plus savoureuses en la faisant cuire longuement et à feu doux, ce qui a pour effet de dissoudre l’acide glutamique. Tandis que les Occidentaux accommodent principalement la citrouille sous forme de tartes et soupes, les Coréens préfèrent l’employer pour préparer des bouillies qui fournissent de délicieux en-cas, mais ils l’apprécient également rôtie et enduite de miel ou tout simplement cuite à la vapeur.

Quant au rapprochement que font d’aucuns entre ce légume et un visage disgracieux, Park Wan-suh affirmait qu’il repose sur l’ignorance des gens de la ville en la matière.

Jeong Jae-hoonPharmacien et rédacteur culinaire

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