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2024 SUMMER

La relance d’un artisanat de la chaussure

Le quartier de Seongsu-dong, autrefois l’un des plus importants centres de fabrication artisanale de chaussures à l’échelle nationale, renaît aujourd’hui grâce aux initiatives de la municipalité et au dynamisme de jeunes entrepreneurs qui apportent une touche de modernité et des idées nouvelles.

La station de métro Seongsu rappelle que le quartier du même nom fut longtemps le centre des fabrications coréennes de chaussures artisanales, des témoignages de ce riche passé existant aussi dans nombre d’autres lieux du pays.
© Choi Tae-won

À Séoul, la sortie numéro 2 de la station de métro Seongsu donne sur une ruelle de 600 mètres de long où s’alignent des ateliers d’artisanat de la chaussure qui participèrent longtemps de l’identité de ce quartier, mais que côtoient aujourd’hui de luxueuses enseignes de mode et de produits de beauté.

Tout commence à la fin des années 1960, lorsque le grand fabricant de chaussures Kumkang établit son siège social dans le quartier voisin de Geumho-dong, suivi, dix ans plus tard, d’un autre poids lourd du secteur, Esquire, qui créera une unité de production dans celui de Seongsu-dong. Puis arriveront leurs nombreux sous-traitants respectifs, qui achèveront de faire de ce lieu le principal bassin d’activité de l’artisanat coréen de la chaussure et seront rejoints par des hommes de métier venus de tout le pays.

Voilà deux ans, l’exposition Heritage SS qui se déroulait dans la station de métro Seongsu retraçait les heures de gloire qu’a connues ce foyer d’artisanat local entre les années 1980 et 2000 en mettant l’accent sur certains aspects tels que les ordres de travail ou la création de modèles.

Les hommes de métier

À l’aube du nouveau millénaire, s’est amorcé un déclin inexorable de cet artisanat local en conséquence du vieillissement des équipements, de la chute de la demande et d’une flambée des loyers qui allait chasser du quartier nombre de maroquiniers et d’autres fournisseurs, ceux qui y restaient étant repoussés vers des ruelles aux locations d’un prix plus abordable. Face à ce constat d’une précarité croissante, au début des années 2010, la Ville de Séoul allait mettre en œuvre un ensemble de mesures décisives destinées à relancer l’activité économique du quartier.

Misant sur le haut niveau de qualité des fabrications de Seongsu-dong, la municipalité allait s’attacher à améliorer le statut des maîtres artisans et ouvriers qui s’y consacraient, tandis qu’au niveau du quartier, les édiles apportaient leur appui à la création d’une galerie marchande moderne nommée From SS qui rassemblait toutes les activités du secteur de la chaussure dans des locaux situés sous le métro aérien. Quant aux fabricants de chaussures, ils allaient se concentrer sur le volet commercial en mettant sur pied un magasin commun assurant la distribution sous le label Seoul Seongsu Sujehwa Town (SSST), c’est-à-dire « Seongsu, ville des chaussures faites à la main ».

Dans ce quartier de Seongsu-dong, nombre d’artisans possèdent plus de quarante années d’expérience et un savoir-faire qu’ils ne se contentent pas de perpétuer, puisqu’ils se chargent désormais de le transmettre à ceux qui viennent d’ouvrir un atelier. Parmi eux, figurent notamment Yoo Hong-sik, le premier bottier à s’être vu décerner le titre de maître artisan par la Ville de Séoul et qui chaussa sur mesure l’ancien président Moon Jae-in, ainsi que le maître artisan Park Kwang-han, propriétaire du magasin « Papa est bottier ».

Également détenteur du titre de maître artisan, Jeon Tae-soo s’est illustré par la création d’un modèle particulier de chaussures en forme de sabot qu’allait porter Kim Jung-sook, la Première dame de Corée, lors de la visite officielle effectuée par le président Moon aux États-Unis en 2017. Deux ans plus tard, il allait de nouveau faire parler de lui en confectionnant une paire de pantoufles pour Ivanka Trump, la fille de l’ancien président américain Donald Trump qui se trouvait alors en Corée.

Depuis plusieurs décennies, les artisans bottiers hautement qualifiés qui exercent à Seongsu-dong font la renommée du quartier dans ce domaine, notamment Jeon Tae-soo, qui possède plus de cinquante ans d’expérience dans les fabrications traditionnelles à la main et s’emploie tout aussi activement à rechercher de nouveaux procédés et matériaux.
© Ville de Séoul

En flânant dans une ruelle animée de Seongsu-dong qui a pour nom Yeonmujang-gil et rassemble un grand nombre de cafés, le promeneur ne manquera pas de remarquer un commerce à l’impressionnante enseigne constituée d’une grande chaussure rouge à talon haut. C’est là que le maître bottier Jeon Tae-soo a ouvert le salon d’exposition JS Shoes Design Lab afin de présenter son élégante gamme de chaussures aux couleurs éclatantes qui témoignent de la grande maîtrise du métier par cet artisan. Parmi les différents modèles, on remarquera plus particulièrement cette paire de chaussons ornés de fleurs qu’il créa spécialement, en les dotant d’un talon surélevé, pour être portés avec un hanbok traditionnel par l’actrice Hye Soo Kim dans le feuilleton Under the Queen’s Umbrella diffusé l’année dernière sur la chaîne tvN. Non loin de là, se trouve aussi The Gentle Park, cet atelier réputé exceller dans l’art de la patine, un procédé qui permet de créer un effet de dégradé de couleurs sur le cuir des chaussures.

Situé près de la station de métro Ttukseom, le salon CHARLSE VOTUM évoque remarquablement le patrimoine artisanal du quartier de Seongsu-dong. Fondé par le spécialiste de la chaussure pour homme Kim Chul, ce lieu représente l’aboutissement de plus de vingt années d’expérience dans le commerce des plus grandes marques mondiales du luxe. Aspirant à créer à son tour la sienne, il allait quitter le milieu corporatif pour réaliser des fabrications reprenant l’artisanat traditionnel de Seongsu-dong et l’adapter aux sensibilités européennes. À l’entrée de l’ancien immeuble résidentiel qui abrite aujourd’hui sa boutique, une porte d’un élégant vert sombre s’ouvre sur un espace associant un cadre raffiné avec l’ambiance chaleureuse de musiques jouées sur disque vinyle.

Dans sa succursale de Seongsu-dong, le fabricant renommé de chaussures artisanales CHARLSE VOTUM a opté pour un aménagement intérieur qui lui permette d’exposer les outils dont il se sert aux différentes étapes de cette activité.
© Choi Tae-won

Le dynamisme des jeunes générations

Depuis quelques années, les nombreux jeunes artisans qui font leur apparition dans le quartier de Seongsu-dong donnent un souffle nouveau à l’artisanat de la chaussure, comme en témoigne le showroom de Finoacinque situé près de la sortie 3 de la station de métro Seongsu. Les visiteurs y découvriront des modèles où prédominent les lignes courbes et les talons d’une hauteur maximale de cinq centimètres en vue d’un confort optimal.

Fruit d’une parfaite alliance entre tradition et innovation, la marque Finoacinque a été créée voilà six ans par la designer Lee Seo-jung et le technicien Kim Han-jun en s’inspirant du savoir-faire de leurs parents respectifs qu’ils allaient parfaire au moyen de leurs propres compétences. Leur engagement en faveur d’un artisanat de qualité n’allait pas tarder à être connu et apprécié à sa juste valeur non seulement sur le marché intérieur, mais aussi à l’international.

© Choi Tae-won

Lors du salon Tranoï qui avait lieu cette année dans le cadre de la Fashion Week de Paris, les modèles de leur création allaient se négocier à plus de 5 000 euros. Par ailleurs, des ajustements de production sont en discussion avec des acheteurs de chaussures de luxe à New York, Paris et Milan. Kim Han-jun précise à ce propos :
« Nous privilégions la transparence en révélant le nom de l’artisan qui a réalisé chaque paire, de sa conception à son contrôle final. » Une telle démarche est à l’aune de l’importance que sa partenaire et lui accordent à la qualité et au respect du savoir-faire artisanal.

Située dans la ruelle de Yeonmujang-gil, la boutique VETIANO attire surtout une clientèle étrangère. Titulaire d’un diplôme de design de chaussures, Baek In-hee, après avoir hérité du commerce paternel de chaussures sur mesure, allait en prendre la tête pour proposer une large gamme de produits allant des confortables baskets aux élégants escarpins à talon haut.

« Grâce à l’expérience des artisans chevronnés qui travaillent dans l’atelier de mon père, nous sommes en mesure d’offrir des prix raisonnables et d’excellentes prestations commerciales », explique-t-elle. La coordination de ces activités de fabrication et de vente permet d’assurer un haut niveau de qualité de produit à l’utilisateur final.

Si des interrogations subsistent quant aux résultats concrets des actions entreprises par tous ces artisans motivés pour relancer l’activité locale, il n’en est pas moins évident que le fruit de leur labeur minutieux ne pourra que satisfaire pleinement leurs clients.

Chung Chung Suk Journaliste à Korea Textile News

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